Mais ma journée de vingt et une réponses est faite et je me repose pendant que vous êtes deux anges chéris et que vous serez bientôt des anges chrétiens ce qui sera infiniment beau. Je ne peux pas analyser le sentiment qui me prend ici : l'horrible poids de la destinée qui m'interdit les lieux où l'on pêche, les monastères orgueilleux et pompeux et les villes où l'on blesse les amis tous les soirs dans le couloir - la satisfaction de la paix des champs dans leur laideur, et la joie des visages doux de la maison de l'horreur de tous ces malheurs qu'on touche : les veuves, les parents pauvres, les maladies, les infirmités que le voyage oublie si vite dans la vie d'esthète. Si je puis parvenir à travailler, je resterai ici pour la pénitence de mes fautes.
Au fond j'aime ces gens. J'ai des amis ici. Je vais en finir avec mes cent dernières lettres. Il y a des choses terribles à « solutionner » dans ce paquet.
Le célibat et le désordre qui se paient. Je ne vous remercie plus mais la première gouache que je ferai je vous l'enverrai avec mon cour en signature. Cette lettre constitue l'une des rares confidences contemporaines de la disparition du musicien. Érik Satie, tombé malade durant le premier semestre de l'année 1925, est hospitalisé à l'hopital Saint-Joseph. Il reçoit entre autres la visite de Max Jacob.
Après plusieurs années de consommation excessive d'absinthe, le compositeur meurt à l'age de 59 ans d'une cirrhose du foie. Les relations entre les Salacrou et Jacob sont extrêmement affectueuses, ce qui explique l'incipit de la lettre. À la lecture du texte, on peut supposer que les Salacrou on soit acquis une gouache soit aidé à en acheter une, ce qui expliquerait le nombre important de lettres en souffrance du côté de chez Max Jacob.
Max Jacob - Lettres aux Salacrou, Gallimard (1953), p. Nous remercions Patricia Sustrac pour les renseignements qu'elle nous a aimablement communiqués.