C'est avec celle-là que je compatis à tous les malaises que vous avez eus, ce qui me force à donner une force maximum de compassion, alors que celle que dicterait le feuillet actuel du calendrier de mon amitié serait déjà assez triste! Enfin vous êtes guérie, Dieu merci. Et quelles jolies choses vous avez dû penser durant les heures délicieuses et neuves de convalescence. Votre respectueux ami Marcel Proust ». Une intime de Proust ayant joué de ses relations pour la parution du premier volume de La Recherche.
Painter la dépeint comme « une des maîtresses de maison les plus intelligentes et les plus en vue de la nouvelle génération ». Protectrice d'artistes et d'écrivains, elle fréquente les salons puis fonde le sien. Elle est l'amie de Jean Cocteau, Anna de Noailles, Reynaldo Hahn, de la famille Arman de Caillavet, et bien d'autres encore. Un sentiment d'une qualité toute singulière unissait Marcel Proust à Marie Scheikévitch.Bien qu'ils se soient croisés brièvement en 1905 dans le salon de Mme Lemaire, c'est en 1912 qu'ils font réellement connaissance. Il s'en suivit une correspondance qui dura jusqu'à la mort de l'écrivain en 1922. Se voyant « presque tous les jours » comme elle le dira plus tard (les amis s'écrivant d'autant moins qu'ils se voient davantage), on ne connaît que 28 lettres de Proust à elle adressées. Elle lui ouvre les portes de son salon, fréquenté par tout ce que Paris comptait d'illustres personnalités dans les lettres et les arts, si bien qu'il lui rendra hommage dans Sodome et Gomorrhe sous le voile de Mme Timoléon d'Amoncourt, « petite femme charmante, d'un esprit, comme sa beauté, si ravissant, qu'un seul des deux eût réussi à plaire ».
Fervente admiratrice de l'écrivain, elle se dépense beaucoup au moment de la publication du premier volume de La Recherche, s'ingéniant à mettre Proust en relation avec les personnalités parisiennes qu'elle juge les plus capables de l'aider. C'est elle qui le recommande à son amant Adrien Hébrard, l'influent directeur du journal Le Temps, pour lui obtenir la fameuse interview du 12 novembre 1913 par Élie-Joseph Bois, à la veille de la publication de Swann. C'est le premier article d'envergure publié dans la grande presse et consacré à La Recherche.Pour l'en remercier, Proust lui adressera une dédicace capitale (récemment acquis par la BnF) lors de la publication de Swann. Une carte de visite de Hélène Soutzo Chrissoveloni, madame Paul Morand. Invitation à prendre le thé.
Avec annotation autographe : « Thé lundi 8 juin de 5 à 8 » (voir scan) Le couple Morand vécut au 3, avenue Charles Floquet dans le VIIe arrondissement de Paris, de 1927 à 1976. Catalogue Andrieux, 12 mars 1928; n°190 Puis collection particulière. XVII, n°203 Marcel Proust II - Biographie, Jean-Yves Tadié, Folio, pp.