L. A. S Henry de Jouvenel (1876-1935) Lettre autographe signée à Henry Lémery 1914

  
Longue lettre à son "cher vieux" Henry Lémery, dans laquelle il invite son amis à passé quelques jours au bord de la mer et, suite à la lecture de la biographie de Fouché par Louis Madelin, dresse un parallèle entre ce dernier et Aristide Briand. Tu serais bien gentil de faire demander par une secrétaire une remise pour l'affaire dont il est question dans la lettre d'... Que je joins à celle-ci. Je tiens à faire trainer Lalique le plus longtemps possible, trouvant mauvais qu'il m'ait envoyé l'huissier en juin 1913 parce que je lui devais encore 1000 francs sur une facture de 3000 qui datait de janvier. Que deviendrons nous, vieux justes et parcimonieux, si nous tolérons de si rapides exigences?

Viens ici, mon vieux, viens ici. Tu auras un lit, et peut-être une chambre, et toute une plage pour toi, toute une plage de sable fin, et le plus paisible et le plus large paysage de mer. Pas d'autre maison à l'horizon que celle où tu demeureras, pas d'autres vivants que ceux auxquels tu es habitué. Sept heures de voyage pour venir au bout de la terre, est-ce trop te demander, à parlementaires à qui les voyages ne coûtent rien? Viens au début d'août, veux-tu?

Téléphone moi mercredi ou jeudi pour me dire où, et pour que nous déjeunions ensemble car je serai veuf. Je rentre à Paris, chez Robert. Je vais demeurer chez lui quinze jours, toute ma maison étant ici. Tu n'imagines pas le nombre des caisses que nous avons déclouées à notre arrivée celui des meubles que nous avons transportés. Enfin, cela commence à s'arranger. Je me baigne, je pêche des crevettes, je dors sur le sable et je viens de finir le livre loyal de Madelin sur Fouché.

De la première à la dernière page, il fait penser à Briand. Tu sais qu'ils sont nés à quelques kilomètres l'un de l'autre, Fouché et Briand.

Que de traits les apparentent, même physiques! L'un et l'autre aurait toussé toute leur vie, également menaçés de la poitrine. Et ils aurait l'un et l'autre... Toussé leurs convictions les unes après les autres, traités de "renégats", de la gauche à la droite, ce qui ne les aura pas empêchés de séduire de la droite à la gauche tous les partis.

Leur popularité à tous deux aura été du même ordre. Fouché avait eu beau faire fusiller deux mille personnes, il rassurait la bourgeoisie et plaisait au comte d'Artois, et le faubourg Saint-Germain, éternellement masochiste, plaçait en lui sa confiance, comme le... Briand n'a fait fusiller personne, mais c'est un hasard. Quand il faisait campagne avec Pelloutier, il était plus rouge que Fouché de Nantes. Et quand il "brisait" la grève des cheminots, il faisait de la police à la manière du ministre de la police de Napoléon. Et tous deux aurait pourtant mérité une grande destinée par la qualité de leur bon sens, par un instinct des grandes affaires, un sentiment de la continuité française, un souci d'établir une moyenne entre les partis et les régimes qui rachète la versatilité de ces âmes au jour le jour. Et puis, c'est peut-être une force pour un homme d'État d'être inconstant comme un peuple. Tu le vois, l'air de la mer porte aux absolutions. Je te pardonne donc tous tes revirements à venir, à la condition que tu viennes ici, mais à cette condition seulement.

Offre mes respects à ta femme, à ta fille, rappelle moi à Pierre et crois-moi ton Henry. A voir dans notre boutique, d'autres documents concernant Henry Lémery et Henry de Jouvenel.

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1. Sous-type: Autographe sur papier
2. Epoque: Belle Epoque
3. Pays de fabrication: France
4. Thème: Histoire, Politique
5. Type: Lettre autographe signée
6. Nombre de pages: 7