Jules BARBEY d'AUREVILLY - lettre autographe signée - Douloureuses et égoïstes jouissances d'une composition acharnée. Belle lettre autographe signée, Dimanche 6h du matin, adressée à Astolphe de Custine, 3 pages in-8 à l'encre rouge, quelques taches et légère fente en bas de la pliure centrale. Livré à la « tyrannie du travail » avec « un roman et 2 autres travaux d'un genre différent », Barbey d'Aurevilly se livre « aux douloureuses et égoïstes jouissances d'une composition acharnée ».
«Je tremble d'une chose. C'est de vous décourager d'être aimable pour moi. Je voudrais que vous fussiez bien persuadé du bonheur que j'éprouve à me trouver avec vous et chez vous [.] J'ai l'air d'un ingrat mais je n'en ai que l'air.
Je suis, Monsieur, presque au secret comme un cardinal qui fait un pape. Je ne fais point de pape, mais j'ai un roman à finir, et deux autres travaux d'un genre différent à mettre hors de ma tête pour la fin de ce mois (septembre). Ces travaux forcés le sont d'autant plus qu'ils décideront, si je les termine, d'un petit voyage dans le midi dont j'ai grand besoin, le mois prochain. Je ne quitte donc plus mes pantoufles comme une chinoise qui a le pied brisé et je suis livré aux douloureuses et égoïstes jouissances d'une composition acharnée. Ma tête n'est plus qu'une machine, chauffée à blanc [.
Voilà, Monsieur, en toute vérité, mon excuse. Vous savez la tyrannie du travail, mais vous ne la connaissez pas comme moi.
Si ne n'était que la tyrannie de la pensée! Vous êtes, je puis le dire, sans exagération d'aucune sorte, la plus charmante relation que j'aie dans ma vie d'isolement et d'expiation, et je n'en puis jouir autant que je le voudrais, il faut que je me prive de cette dernière goutte de conversation, d'esprit, de bon goût, qui est la meilleure, et avec laquelle on fait rubis sur l'ongle le plus longtemps qu'on peut, quand on l'a savourée. Croyez Monsieur, qu'il faut presque du caractère pour se priver de cette jouissance-là »...