Lettre autographe signée « André Gide » à Charles Chanvin Cuverville, c. In-8° Ancienne petite trace de mouillure en marge inférieure. André Gide livre une émouvante démonstration d'amitié.
« Donc en hâte un mot cher ami - car je reçois coup sur coup vos deux lettres - Oui je suis profondément et sérieusement votre ami - et ce n'est pas contre vous, mais contre moi que se tournaient l'autre jour mes reproches, car j'ai eu l'âme tourmentée - de sorte qu'il fallait cette lettre exquise de vous pour me faire un peu pardonner, non pas à vous certes, mais à moi-même - pour ramener le calme en mes affections tourmentées. Il ne tenait qu'à vous que je ne me repente de rien en vous montrant ensuite digne des confidences que ma trop vive sympathie m'avait trop hâtivement fait faire. Je lis votre lettre et donc ne regrette plus rien - mais n'est-ce pas, vous comprenez qu'il fallait que je vous avertisse - tout cela étant très grave - et vous ne pouvez m'en vouloir, car en tout cela je me montrai trop votre ami.
Je ne peux vous écrire longuement aujourd'hui, trop occupé par mon travail. Votre lettre - vos lettres sont exquises et me font vous aimer plus.
Je suis heureux de voir combien vous avez su vous faire aimer de quelques amis rares. Vous aviez compris je pense qu'il m'était impossible d'avoir un ami qui ne fut pas aussi le leur ; de sorte qu'il faut former là, pour lutter contre l'immondice extérieure, comme une rare société dont chaque membre, par le désire continue de l'estime des autres, se trouve, comme malgré lui poussé, aux actions les plus nobles, aux pensées les plus hautes, à la plus touchante altitude - « honnêteté » - rendrions nous en chour. Cher Chanvin, - que l'amitié deviendrait une belle chose - je suis cordialement André Gide ». Il collabore quelques temps au Mercure de France et à L'Ermitage avant de rejoindre la magistrature.